THOMAS NARCEJAC par Pierre Boileau …

Cliquez pour agrandir l'imageC'est en 1947 que j'ai appris l'existence de Narcejac. Je passais devant une librairie. Un volume attira mon attention : Esthétique du roman policier. Auteur : Thomas Narcejac. Ma première réaction fut :  De quoi se mêle-t-il, celui-là ? .
J'achetai le volume. Je le dévorai.  J'y trouvai soulevés certains problèmes que je me posais moi- même depuis longtemps. Quand j'y trouvai également mon nom, accompagné de louangeuses considérations, je ne doutais plus que ce T.Narcejac ne fût un spécialiste éminent.
Ce ne fut qu'au mois de juin 1948 que nous nous rencontrâmes, au déjeuner du Prix du roman d'aventures, dont Narcejac était le lauréat .
Narcejac me dit :
  • Mettons nos théories en pratique.
  • C'est à dire ?
  • Ecrivons  le roman que nous aimerions lire.
Notre association date de bientôt vingt ans ! Pratiquement pas de nuages. Ce qui ne signifie pas que nous soyons toujours d'accord. Au contraire nous ne cessons de nous heurter, de discuter. Mais c'est justement cette continuelle confrontation qui est la raison d'être du tandem.
La vérité est que Narcejac est un romancier " tout court " qu'une certaine forme de hasard a orienté vers le roman policier. Je lui propose une intrigue. Il la passe aussitôt au banc d'essai. Cela signifie qu'il éprouve chaque personnage, qu'il le confronte avec le comportement prévu dans le plan initial. Le résultat n'est jamais favorable à 100%. Là commence la lutte.
Au fond ce qui intéresse le plus Narcejac, ce sont les êtres, ce sont les héros plus ou moins malheureux, plus ou mois menacés de nos histoires. Moi, ce qui me passionne, c'est au contraire de construire une intrigue bien insolite, bien mystérieuse, bien inquiétante. Et chacun s'accroche à son os. On lâche du lest. Mais c'est à celui qui en lâchera le moins possible.
Etrange complicité ! Je me demande parfois comment, avec sa formation de philosophe ( ai-je précisé qu'il est professeur ?), il a pu en arriver à se consacrer aux histoires de brigands, Je pense que c'est tout simplement pour ne jamais être tenté de se prendre trop au sérieux.