 ...et Pierre Boileau par Thomas Narcejac | Un alter ego ? Non ! Boileau et moi nous ne sommes point semblables ; nos goûts, nos caractères, nos activités diffèrent. Mais nos préoccupations littéraires sont les mêmes : nous nous rejoignons dans l'œuvre. Qui est Boileau ? Je ne suis pas certain de le savoir. D'abord l'amitié fait volontiers table rase du passé. Ensuite, Boileau est parisien de naissance, et Paris n'est pas une ville comme les autres. Jeune, il s'est juré d'écrire des histoires merveilleuses. Il tiendra sa promesse. Pour son troisième roman " Le repos de Bacchus ", il obtient le Prix du roman d'aventures, qui était alors quelque chose comme le Goncourt du mystère. C'est désormais un auteur connu, un des meilleurs spécialistes du roman de mystère. Mais il porte en lui inquiétude, il veut aller plus loin. Le roman - problème est une voie sans issue. Par chance, je me posais les mêmes questions. A nous deux la tâche devint plus aisée. Le dialogue amorcé en 1948, n'a pas cessé. Quel est le premier apport de Boileau ? La matière brute à façonner. Son ingéniosité est étonnante et procède d'un curieux état d'esprit : le quotidien ne l'intéresse pas. Mais le non quotidien le fascine, la maladie des apparences. La logique finit toujours par triompher. L'important est qu'elle ne triomphe pas trop tôt, qu'elle n'affleure pas trop vite sous le récit, qu'elle ne dessèche pas les personnages. Ce long chemin que nous parcourons ensemble ne s'effectue pas sans heurts. Mais rien n'est plus passionnant que ce travail de découverte. J'aurai beaucoup à dire encore sur mon ami Boileau ; son égalité d'humeur, sa souplesse, les milles ressources de son intelligence malicieuse, mais il y a un trait de caractère que je veux souligner : il se donne à sa tâche. Il oublie son chapeau, perd ses clefs, égare son portefeuille, mais il déniche la plus petite erreur, traque le détail inexact, bref, abolit le hasard. A son contact je suis devenu laborieux. Boileau ne travaille ni pour l'argent pour la gloire, mais pour le seul plaisir de n'être pas inégal à lui-même. Distraire les autres est une grande affaire ! Il y a de l'honneur à ne rien négliger. |
| Le Roman Policier par Pierre Boileau
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